Mon lien à la Terre et à l’ensemble du Vivant dont nous faisons partie, prend racines dans mon enfance. Mes parents avaient le goût de prendre soin de la terre, de développer leurs fibres sociale et créative.

En 1961, avec Pierre mon mari, nous reprenons la ferme de ses parents. Nous nous engageons dans la “révolution verte” avec l'arrivée de la chimie de synthèse. A première vue, cela nous semble extraordinaire. Enthousiaste, je me forme à ces nouvelles techniques.

En 1971, en circulant en voiture, je ressens un profond malaise en voyant une haie totalement noire détruite avec un herbicide… Pourquoi ce ressenti ? Une question surgit dans ma conscience : qu’est-ce que nous faisons subir à la Nature ? Quels risques pour le Vivant ? Je partage mon inquiétude à un voisin que j’apprécie. Sa réponse est cinglante. Je comprends que je ne peux m’épancher. Bien plus tard, lors de ma dernière visite (il était mourant), contre toute attente, il me dit “C’est toi qui avais raison”.

En 1972, l’un de nos enfants présente les symptômes de leucémie. Deuxième choc. Je m’interroge. Que puis-je faire pour prendre soin de notre enfant en complément de la médecine ? Aussitôt, je décide d’arrêter l’utilisation des engrais chimiques, des pesticides dans le jardin pour prendre soin de la chaîne alimentaire. Je cherche tout ce que la nature nous offre de meilleur avec les plantes aux riches propriétés.

Pour me réapproprier les connaissances des lois du Vivant, je lis, je m’informe, et je me passionne par la richesse des savoirs que je partage avec ma famille, les initiés, mais plus difficilement avec d’autres. La seule manière alors de dialoguer reste sous forme de questions.

Progressivement, cette expérience m’interpelle en profondeur. Ne suis-je pas moi-même une “Terre à défricher? à jardiner ?” Qui suis-je ?

En quête de sens, des rencontres interviennent au moment approprié.

Ainsi Frère Eloi, franciscain et philosophe, bienveillant et lumineux, m'encourage. Il m’explique que :

• “l’harmonie intérieure de l’Etre ne peut se réaliser sans une harmonie profonde et réelle avec la Nature.”
• la nature et l’Humain sont ambivalents. L’eau, le sol et l’air sont indispensables à la Vie mais peuvent aussi la détruire. De même, l’humain possède des énergies positives et négatives. Il est essentiel de les reconnaître, les apprivoiser, les canaliser, les ordonner pour qu’elles deviennent forces de Vie !

Cette rencontre me stimule pour organiser des rendez-vous à la ferme sur les éléments avec des enseignantes dans une approche triangulaire: des scientifiques pour la connaissance, des artistes pour le symbole, des praticiens pour l'expérience. Ce trio aux approches poétiques touchent les coeurs et sont parfois thérapeutiques.

Une autre rencontre avec Magda Hollander Lafon, psychologue et rescapée de la Shoah, m'invite à partager ma passion de la terre. Sont nées 4 grandes toiles où résonne la question "quelle est notre relation à la terre?" Je les présente lors de rencontres qui suscitent l'ouverture des consciences pour comprendre l'unité du vivant, notre interdépendance et notre responsabilité.

En 1996, quand mon mari part à la retraite, notre fils Gilles accepte de reprendre à condition de passer en bio. Quelle joie pour moi ! La confiance de mon mari dans son choix a été importante. J’ai suivi une formation pour convertir la ferme en bio pendant que mon fils finissait ses études. Cette mutation vers l'agroécologie est un espoir pour prendre soin du vivant.